Cet article a été initialement publié dans Le Monde du travail, le journal du Mouvement populaire des familles, dans l’édition d’avril 2023.
L’accès au service civil est attaqué par la « petite porte ». Mais c’est toute la société qui en subirait les conséquences. Attention, danger !
« Le service civil est trop attractif ». Voici le préjugé du groupe UDC au Conseil national qui a proposé de rendre plus difficile le passage de l’armée au service civil. Démontrant brillamment leur absence totale d’imagination, les auteurs de la motion reprennent exactement les mêmes propositions que celles qui avaient été rejetées par le Conseil national en 2020. C’est vrai qu’il est tellement simple d’accuser les civilistes, vus comme des « gauchos pacifistes et paresseux », plutôt que de remettre en question la doctrine militariste.
L’idée de base est que le service civil volerait des soldats à l’armée. Il faudrait donc empêcher ces derniers de « déserter ». Pourtant, ce présupposé est déjà faux en lui-même. L’effectif réglementaire de l’armée est de 100’000 hommes. Pour être sûr qu’autant de personnel soit disponible en cas de besoin, cet objectif est majoré de 40%. Réserve comprise, l’effectif légal maximum est donc de 140’000 militaires. Or, selon les derniers chiffres du Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS), ce nombre est lui-même encore dépassé de plus de 11’000 hommes. On a donc une « réserve de réserve » : il n’existe manifestement aucun problème d’alimentation en effectif.
Quand bien même un tel souci existerait, les causes seraient à rechercher dans l’armée elle-même. Avec le service obligatoire, tous les hommes majeurs sont contraints de se rendre au recrutement et le plus souvent à l’école de recrues. Les soldats sont donc servis à l’armée sur un plateau. Si, même ainsi, elle est incapable de les garder, la responsabilité lui en revient entièrement. Pourquoi attaquer une institution qui fonctionne, le service civil, pour résoudre ses propres problèmes ? Par pur dogmatisme, ou alors pour détourner l’attention et empêcher le parlement de se saisir de la vraie question, à savoir que l’armée est une vieille machine sans vrai but et qui ne fait guère rêver que ceux qui la dirigent.
Autre service « à la patrie »
Mais surtout il faut craindre les conséquences de l’acceptation d’une telle motion. Selon sa définition légale, le service civil est engagé « dans les domaines où les ressources ne sont pas suffisantes ou sont absentes, pour remplir des tâches importantes de la communauté ». Autrement dit, en attaquant le service civil, l’UDC cherche activement à ce que certains besoins importants de la communauté ne puissent plus être satisfaits. Ce n’est pas seulement une attaque contre les civilistes, c’est une attaque contre l’ensemble de la population ! Les civilistes sont actifs dans les écoles, les crèches, les EMS, les hôpitaux, auprès des paysans de montagne et dans bien d’autres secteurs encore. Évidemment, ils ne sont pas là pour donner cours ou prodiguer des soins, ce qui reste la responsabilité des professionnels. Mais, sans les civilistes, c’est l’aide aux devoirs, l’encadrement d’une sortie de crèche ou la lecture du journal à une personne âgée qui ne seraient plus assurés car ces secteurs souffrent déjà d’un manque d’employé-e-s et que le personnel habituel n’a pas le temps pour ces « à côtés ». Si les civilistes disparaissent, pourra-t-on compter sur l’UDC pour voter des postes et financer des formations supplémentaires dans ces domaines ? Rien n’est moins sûr.
Chacun de nous bénéficie ou connaît quelqu’un qui bénéficie du soutien des civilistes : votre enfant à l’école, votre grand-mère à l’EMS ou le paysan qui produit ce que vous mangez. Attaquer le service civil c’est attaquer la cohésion sociale et in fine chacune et chacun d’entre nous.
Les commentaires sont fermés.