Cet article a été initialement publié dans Causes communes, le journal du Parti socialiste Ville de Genève, de juillet 2023. Vers l’article original.
Dans certains cas, les objectifs de la détention peuvent être atteints sans pour autant enfermer la personne visée. C’est ce qu’on appelle généralement les mesures de substitution. Il ne s’agit finalement de rien d’autre que de l’expression du principe de proportionnalité, qui est l’un des fondements d’un État de droit. Petit tour d’horizon.
En cours de procédure
Souvent, la détention commence avant même le jugement, pendant l’enquête avec la «détention préventive », à un stade où les personnes détenues sont présumées innocentes. Dans un État de droit, enfermer des personnes dont on ne sait absolument pas si elles ont effectivement commis une infraction pose un problème: si la personne s’avère effectivement innocente, comment rattraper les jours, parfois les mois ou même les années passés en détention ? Pour atténuer ce risque et respecter le principe de la proportionnalité, il doit exister d’autres moyens pour sauvegarder l’enquête sans pour autant violer les droits fondamentaux de la personne concernée.
Les mesures qui entraînent une privation de liberté doivent ainsi être levées dès que des mesures de substitution permettent d’atteindre le même but (art. 212 du code de procédure pénale, CPP).
Ces moyens sont notamment de fournir des sûretés (caution), de saisir les documents d’identité (pour empêcher la personne prévenue de s’enfuir à l’étranger), l’assignation à résidence ou l’interdiction de se rendre dans certains lieux ou de contacter certaines personnes. Il est également possible d’imposer à une personne de pointer régulièrement auprès d’un service officiel, de se soumettre à un traitement médical ou encore d’avoir un travail. Pour surveiller le respect de ces conditions, il est possible de recourir à des appareils tels que des bracelets électroniques. Si ces mesures ne sont pas respectées, elles peuvent être révoquées et l’individu remis en détention, ce qui assure un effet dissuasif et donc le respect des conditions imposées.
Après une condamnation
Même une fois condamnée et donc reconnue coupable, la personne détenue reste un-e citoyen-ne disposant des droits fondamentaux garantis par notre constitution. Ces droits ne peuvent donc lui être restreints que dans la limite de ce qui est nécessaire pour assurer l’exécution de la sanction. La peine privative de liberté vise à «améliorer le comportement social du détenu, en particulier son aptitude à vivre sans commettre d’infractions» (art. 75 al. 1 du code pénal, CP). A ce stade également, si ces objectifs «éducatifs» de la sanction peuvent être atteints d’une autre manière
en protégeant efficacement la collectivité, alors ces autres méthodes devraient être privilégiées.
Diverses façons existent pour exécuter une peine privative de liberté. Le concept de base est celui de la prison «classique»: la personne condamnée est enfermée et ressort au bout de sa peine sans avoir quitté l’établissement entre-deux. Mais il existe également la possibilité de travailler à l’extérieur à partir de la moitié de la peine (art. 77a CP). Par la suite, le fait de travailler et de loger à l’extérieur est également envisageable. Si la personne condamnée travaillait déjà avant son incarcération et que la peine ne dépasse pas 12 mois, un système similaire de semi-détention est également possible (art. 77b CP). Le travail d’intérêt général est également une façon d’exécuter
une peine, à condition qu’elle ne dépasse pas 6 mois (art. 79a CP). Il est encore possible de mettre en place un système de bracelet électronique pour les peines jusqu’à 12 mois (art. 79b CP), à condition, entre autres, d’avoir un logement et un travail régulier. Toutes ces méthodes alternatives sont soumises à la condition qu’il n’existe ni risque de fuite, ni risque de récidive.
Conclusions
Toutes les personnes ne sont pas égales sur le plan psychologique. Si certaines peuvent (plus ou moins) rester de marbre après une condamnation, d’autres auront compris le message par le simple fait d’être passées devant un juge. Une même durée de peine peut donc avoir un effet punitif très différent selon la personne. Il est ainsi tout à fait logique d’avoir des exécutions de peine différenciées qui assurent la protection des intérêts collectifs défendus par le droit pénal tout en limitant l’impact sur les personnes qui subissent ces procédures, tant la personne prévenue que ses proches. Mais se dire que ces méthodes cherchent à atteindre les mêmes buts que la détention
nous amène en réalité seulement au début du raisonnement: quels sont précisément ces buts que nous donnons à notre système pénal?
En posant le postulat qu’enfermer n’est pas une réponse universelle, ces méthodes nous interrogent sur notre conception de la justice. Doit-elle être sévère et intransigeante ou permettre le maintien d’une société dans laquelle tout le monde, innocent ou non, doit bénéficier du plus de liberté possible? Les mesures alternatives à la détention ne sont pas une marque de faiblesse de la justice. Elles sont un choix supplémentaire qui permet de trouver la méthode d’exécution de peine préservant au mieux la société et l’intégration de la personne concernée. Au contraire, une société qui enferme pour enfermer et faire un exemple affaiblit la crédibilité de son système judiciaire car elle n’est plus dans une logique de justice mais de vengeance collective, ce qui ne contribue pas à sa sécurité à long terme. Car il n’y a pas nécessairement de vases communicants entre la perte de liberté pour le/la criminel-le et le gain de sécurité pour la collectivité.
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