Cet article a été initialement publié dans Postscriptum, le journal du Parti socialiste genevois, de juin 2021. Vers l’article original
Que pouvons-nous accepter au nom de la sécurité ? Bien entendu, nous souhaitons toutes et tous vivre en sécurité et c’est la raison d’être de nombreuses lois. Mais ces mêmes lois constituent parfois un risque ! C’est le cas de celle sur les mesures policières de lutte contre le terrorisme (MPT).
Il y est question de mesures prises préventivement – donc par définition sans preuve – contre des « terroristes potentiels ». On parle notamment d’interdictions de contacter certaines personnes, d’entrer dans certains lieux, de l’obligation de porter un bracelet électronique et même de l’assignation à résidence ! Tout cela pour une durée allant jusqu’à 12 mois, ou 9 pour l’assignation à résidence. Et les enfants seront aussi concernés puisque l’âge minimal sera de 15 ans pour une assignation et même de seulement 12 ans pour toutes les autres mesures.
Mais qui sont ces « terroristes » ?
Cette loi considère comme terroriste potentiel toute personne dont on peut présumer qu’elle pourrait réaliser « des actions destinées à influencer ou à modifier l’ordre étatique et susceptibles d’être réalisées ou favorisées par des infractions graves ou la menace de telles infractions ou par la propagation de la crainte ». Cela vous semble très abstrait ? Ça l’est puisque, dans l’absolu, n’importe quelle revendication est « susceptible d’être » obtenue par le biais d’une infraction. Et la « propagation de la crainte » n’est pas une notion beaucoup plus précise. En résumé : on présume que la personne pourrait commettre un acte dont on présume qu’il pourrait être favorisé par une infraction. On a déjà vu mieux en termes de sécurité du droit…
« Sur cette base, la police pourra décider seule de qui est un terroriste. »
Tant nos professeur-es de droit que les instances de l’ONU ont d’ailleurs critiqué cette définition tellement large qu’elle ne dit finalement rien. Sur cette base, la police pourra en effet décider seule de qui est un terroriste. Oui, seule, puisque ces mesures, sauf l’assignation à résidence, ne seront même pas ordonnées par un tribunal ! Autrement dit, nous ouvrons grand la porte à l’arbitraire. En revanche, une modification du code pénal a été votée le même jour que la MPT et n’a pas été contestée. Refuser ce texte, ce n’est donc pas refuser de lutter contre le terrorisme, mais c’est dire que cette lutte ne doit pas démanteler les principes fondamentaux de l’État de droit. Je souhaite que la Suisse reste un État de droit et je voterai donc résolument NON à cette loi.
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